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Page:Maizeroy - Deux amies, 1885.djvu/202

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LES PARISIENNES

rait en elle comme une religieuse dévote en son Dieu qui la récompensera, qui lui accordera les délices du Paradis ? Pour qui serait-elle charitable et bonne si ce n’était pour Eva qui lui témoignait une affection de tous les instants, depuis la soirée lointaine où Mme de Tillenay les avait présentées l’une à l’autre ?

Malheureuse d’un côté de sentir son amie en proie à une aussi irrémédiable démence, s’obstinant d’un autre à ne point céder, ballottée à droite et à gauche par un remous pareil, elle ne dormait pas plus que Mlle Moïnoff, elle avait aussi les yeux cernés et les joues pâles. Et, maintes fois pendant ces nuits où Eva se traînait à sa porte, entendant les soupirs, le froissement de son linge, elle se dressait sur son séant, elle écoutait et sautait tout à coup à bas du lit, décidée à lui ouvrir, à la recueillir dans ses draps bien chauds contre elle, à réchauffer la pauvre petite-folle comme une maman câline. Pourtant, elle ne tournait pas la clef, elle se recouchait bien vite, échappant encore à la tentation, mais avec peine, avec