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Page:Maizeroy - Deux amies, 1885.djvu/41

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DEUX AMIES

Elle venait d’avoir seize ans et elle était tout à fait femme, — n’ayant même plus les grâces incertaines de la nubilité naissante. Les pointes aiguës de ses seins crevaient l’étoffe du corsage. La minceur de sa taille, les amples contours de ses hanches et de petites chevilles étroites et fines la rendaient pareille à une de ces poneytes nerveuses et vives qu’on dresse au manège pour être montées « en dame ». Et il s’évaporait de ses dessous — de son linge et de sa chair — comme une odeur de fourrures qui ont été enfermées longtemps dans un coffret de santal, — une odeur à la fois forte et douce d’une indéfinissable subtilité qui montait à la tête.

Mlle Jeanne de Luxille n’avait aucune ressemblance avec son amie.

Elle manquait totalement de féminilité. On eût dit d’un groom effronté de cocotte, — un de ces « Bobs » gouailleurs que Grévin plante en quatre traits de plume dans l’antichambre de Rose Mirliton ou de Tata Chiquette. Plate, dégingandée, garçonnière, avec son petit chignon d’Anglaise, sa frange lisse, sa maigreur