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Il apporta l’ « Avenir de la Science », sollicitant respectueusement l’avis de M. Rubensohn, sur l’opportunité de sa lecture. M. Rubensohn expliqua que ce Renan première manière datait, moins peut-être par ses espérances que par la hâte simplificatrice qu’il mettait à les formuler. Vexé, le maître d’étude introduisit, quelques jours après, la « Vie de Jésus », in-douze populaire, broché de jaune, corné, malpropre, lu à quelque table de pension de famille, sur une toile cirée imitant la nappe, entre le fromage et le café tiède, servi en retard.

— Emportez-la, dit-il à Augustin. Prenez-la donc. Vous me la rendrez quand vous voudrez.

C’était à la fin de l’année, dans les premiers jours de juillet, à la récréation qui précédait une classe facultative de langues vivantes, la dernière. Les philosophes se promenaient seuls sur la cour.

Augustin sentit dans la poitrine ce heurt mou après lequel le cœur se met à battre pour rattraper le temps perdu. Des défaillances parcouraient à la fois sa volonté et ses muscles. Toute opposition fondait devant un désir de feu. Le sentiment du défendu, de l’index, l’écrasait. La brochure jaune, brûlante d’attraits, de périls et de prestiges s’ouvrait seule dans ses mains aux points dociles des coutures. Il s’indignait qu’elle fût éditée à prix infime de propagande, pour cerveaux désarmés. Des phrases déjà le mordaient. « Parcourir un livre, le temps d’éprouver la qualité de sa prose, est-ce lire ? » L’excuse naissait à la manière humaine, de l’acte qu’elle eût dû précéder. Il s’enfonça dans les paysages de Palestine.

« … Son père Joseph et sa mère Marie étaient des gens de médiocre condition, dans cet état si commun en Orient, qui n’est ni l’aisance ni la misère… Les rues où il joua enfant, nous les voyons dans ces sentiers pierreux ou ces petits carrefours qui séparent les cases. La famille était assez obscure… Jésus avait des frères et des sœurs dont il semble avoir été l’aîné… »

Les grandes musiques de Chateaubriand, jouées sur des