Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anatomiques et physiologiques humaines, il a dû accepter à plus forte raison les conditions sociales, et parmi elles les méthodes historiques d’un pêcheur de Tibériade. Ô fille des Cinq-Plaies, ô disciple fidèle ! comprends-tu, dis-moi, comprends-tu ?


– Mais dépêche-toi donc, Augustin, criait Christine trépidante.


Il engouffra un déjeuner sans pain ; il descendit les escaliers trois à trois ; il courut dans la rue. Le portier, qui le vit courir, maintint la porte ouverte. Tout ce mouvement remit dans ses pensées une grande gaieté active, l’odeur salubre des jours ordinaires, où rien n’arrive.



C’était le second jeudi de juillet, à la fin du déjeuner, quelques jours après Renan. Dès que fut pris le faible café qui suffisait à ses nerfs, M. Méridier interpella Augustin, parmi les pelures de gruyère, les noyaux des dernières cerises et les turbulences d’enfants :


– Veux-tu venir te promener ? Laisse tes livres pour ce soir. Nous irons assez loin.


Augustin sentit s’éclipser les Méditations de Descartes et s’allonger jusqu’à sa rencontre l’image de petits chemins creux plongeant vers les moulins.


Mais les petits chemins creux ne vinrent pas. À leur place, la route nationale se mit à fuir, large, plate, d’une correction administrative et sans visage. M. Méridier s’y engageait quelquefois, jamais aussi loin. Après une heure de marche, les futaies des Sablons finirent par préciser leur confusion lointaine, modeler des renflements, creuser des grottes dans leurs ouates vertes et dures. M. Méridier prit le chemin qui les desservait.


– Mais, papa, c’est aux Sablons que tu vas ?


– C’est aux Sablons.


– Mais il y a quelqu’un aux Sablons !