Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/142

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jeune Louviers-Baulny s’était excusé de lui donner « cet auteur » à lire, faute, disait-il, d’autre roman. Le bourdonnement de la leçon continuait. Le jeune homme parlait en redressant une tête parfumée, rousse, grasse, charnue à la nuque. Des « heu ! heu ! » traînés et autoritaires coupaient son débit, mais chaque fragment restait extraordinairement assuré et calme, au milieu des pires sottises latines. Dès qu’un début de rectification partait du professeur, un nouvel essai de traduction refoulait l’erreur et la vérité du même ton massif et maître de soi, fragmenté des mêmes « heu ! heu ! » impérieux, destinés à arracher au texte latin un sens acceptable, à force de décision dans le commandement.

C’était une de ces chambres mansardées, refuge traditionnel des salles de jeux et des salles d’études, aux étages supérieurs des châteaux. Augustin quitta son fauteuil pour s’accouder à la fenêtre, devant un paysage immense. Les hautes futaies dominatrices s’aplatissaient sur le sol. La distance leur faisait livrer les dispositions et les plans qui les régissaient. Le tapis-brosse des forêts couvrait la terre, en des endroits sans doute choisis d’avance, entre les intervalles bariolés des champs et des routes… Mais non, voyons ! C’était l’inverse. Les forêts avaient poussé les premières, bien avant les champs et les routes, et d’ailleurs, qu’importait !…

Très au-delà, en plein horizon, dans les marges bleues, d’inidentifiables clochers pointaient à l’extrême lointain d’un amorphe et indolent espace, alourdi de soleil. Augustin sentait une douce détresse désespérée, parente de ce repos. Ainsi simplifiés, désintéressés des hommes, ces paysages magnifiques et complices extrayaient de son cœur des désirs de solitude et de sérénité. Ah ! qu’importait que celui-ci déshonorât Tite-Live autant que les âpres élèves de classes sociales plus rudes, et qu’importait encore, tout près d’ici, la respiration de belles vies heureuses ?…

Quelque chose, dans son cœur, sans qu’il y fût pour rien, parla tout seul, murmura tout seul. Quatre mots seule-