Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/26

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Des paysannes chargées de paniers se rendaient à ces contrées. Elles montaient à l’intérieur de la diligence, tandis que le Papa et la Maman d’Augustin retenaient les places de devant, qui coûtaient dix sous de plus. On pouvait, à condition de les contourner avec prudence et d’assez loin, contempler les deux gros chevaux à la queue nouée, autour desquels tourbillonnaient les mouches. Ils les chassaient en vain avec cette queue trop courte, avec leurs pieds, avec les plissements vagabonds de leur peau. Ils sentaient une forte odeur, pas désagréable. Ils sentaient le cheval. Tout était si beau qu’on éprouvait, gonflant le cœur, ou peut-être les poumons, ou peut-être le larynx (Augustin connaît le nom de tous ces organes) une envie de chanter ou de crier.

Michelou, le conducteur, hissait, par l’échelle, des malles qu’il abattait ensuite sur le toit de la diligence. Mais il goûtait peu la continuité dans ces emplois du temps violents. Il les aimait mélangés de rires, de repos et de vin blanc. Aussi querellait-il, en rude patois des Planèzes, les paysannes au panier, tandis que la courbe de son ventre, expansive et déboutonnée, tremblant sur sa ceinture en secousses débonnaires, faisait signe que c’était pour rire, et qu’il ne querellait pas.

Quand tout était chargé, les bâches posées, le véhicule déjà dans cette puissante immobilité d’avant les démarrages, Michelou décevait encore ses clients en s’enfonçant aux profondeurs d’une des deux auberges qui contemplaient la gare. La diligence attendait, interdite et stupéfaite, comme un énorme enfant abandonné.

L’auberge rendait un Michelou tout frais, mal essuyé, humide encore. Ses grands mouvements de bras exprimaient un vague pathétique. Au hasard de la trajectoire, le dos de sa main trouvait l’occasion d’assécher ses moustaches, d’un air désespéré, tandis qu’il déplorait, par le reste de son geste, de n’avoir même pas le loisir d’effectuer correctement cette opération pourtant fort nécessaire. Enfin, d’une course dont le rythme se transmettait à son