monde maintenant allait monter dans la belle voiture de Tonton. « La voiture à quatre roues », précisait Piarrounet. Alors elle protesta, ne voulant pas que les autres voyageurs, ceux de la diligence, y montassent avec elle. Les longues jambes paternelles dessinaient en l’air des tâtonnements méticuleux avant de poser leurs semelles sur les marchepieds.
Cependant d’effrayants bruits de malles retentirent au plafond de la diligence. Michelou reprenait à l’arrivée cet air d’Hercule féroce et familier, quitté depuis la gare et remisé quelque part sous les bâches pendant son inutilisation. Piarrounet expliquait que le « mestreval » était aux foires, qu’il ne rentrerait que le soir ; que lui, Piarrounet, le remplaçait ; que, dans le grand domaine, tout allait « pas trop mal » et « qu’il n’y avait pas trop à se plaindre ». Puis il s’en revint avec tranquillité vers des gens qui étaient là.
Maman voulait faire chauffer, à l’auberge, du lait sucré pour les enfants. Mais de rudes paysans rougeauds, en blouses bleu-noir, parlant comme des maîtres, pleins d’inattention brutale pour ceux qui désiraient entrer, occupaient et encombraient le seuil. Piarrounet les poussa avec une inattention égale à la leur. Tout se passa le mieux du monde.
Dans l’auberge sombre et fraîche, régnait une légère odeur aromatique qu’Augustin trouva fort agréable et que son père dit être d’absinthe et d’anisette. Il y avait des ronds de vin sur les toiles cirées jaunes. Le nombre des mouches était considérable. Maman essuya les bols soigneusement.
Par les fenêtres encombrées de géranium, on vit la malle voyager à dos d’homme. Elle s’approcha d’une vieille voiture naïve, à trois banquettes en cuir crevassé, portant la cicatrice d’anciens capitonnages, pleine de sacs pliés où reposaient des pains frais. C’était la belle voiture de Tonton. Il fallut rabattre une banquette pour installer la malle et les multiples paniers de Maman.
Entre les brancards, le cheval de Tonton baissait la tête, beaucoup