Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/33

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d' une petite place, jouxte la fontaine, des chariots de foin attelés de vaches attendaient, les aiguillons contre les jougs. Peut-être venaient-ils de fermes inconnues, dépendant de La Borie des Saules, faisant partie de son plat pays, donnant une haute idée de son importance et de son prestige. Tout sentait l’eau claire, les brocs de fer-blanc, l’arôme du foin et d’autres odeurs pareillement divines.

Des maisons basses, noirâtres et heureuses, riaient au coin de boueuses ruelles. Au bout de l’une de ces ruelles, on vit un brusque porche creux, qu’on dépassa sans lui laisser dire la confidence qu’il savait.

— Ah ! l’église ! s’écria Papa. On aurait pu s’y arrêter.

Un vif regret traversa tant de joie. D’habitude Augustin aimait, comme la participation à une vie supérieure, les très simples explications de son père ; il se sentait trouver tout seul de belles choses nouvelles. Mais cette fois, il y avait plus. Ces explications sur l’église, tout en la laissant parente de ces gaies ruelles sales, de ces hardis enfants en guenilles, de ce désordre des bords de route, de cette corne brûlée, de tout ce qui caractérisait la belle humeur de La Borie des Saules, première manière, auraient eu une portée plus haute. Peut-être eussent-elles montré, comme au fond de ces boîtes qu’on appelle reliquaires, la chose mystérieuse et mélancolique associée à son nom charmant. Du moins pouvait-on, sans témérité, l’espérer.

— Huot ! fit Piarrounet, coupant court à ce désir d’arrêt, avant qu’il se transformât en demande précise. Exclamation bien exceptionnelle : Piarrounet et le vieux cheval n’avaient besoin d’aucune parole pour dialoguer, à cause de l’amitié profonde qui les unissait. La voiture continua son voyage dans La Borie des Saules.

La dernière maison à gauche était la belle maison du notaire. Construite à l’écart, elle représentait ce que sont ailleurs les quartiers occidentaux des villes, les banlieues de luxe. Assise sur un noble perron, dans son jardin aux fleurs mêlées de buis et de groseilliers, séparée des autres par un respectueux espace, elle entr’ouvrait sa grille avec