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d’une vulgarité généreuse, celle des patronages et des catéchismes.

Il y avait foule. Augustin et Mme Méridier contemplaient près du porche les bousculades de la sortie. Pendant les vacances de son pensionnat, Christine les accompagnait.

De vastes yeux en charbon noir, grands ouverts dans sa figure ronde, des mains d’écolières gercées en plein mois d’avril, un paroissien gonflé par les images de première Communion de ses petites amies, elle attendait, tassée contre sa mère. Ses deux nattes pendaient devant son corsage, encore mouillées des ablutions du matin. Avant de quitter la maison, Augustin les tirait par pure malice, juste pour entendre la protestation habituelle : « Ah ! laisse-moi, toi », pour voir la petite moue délicate et susceptible, qui s’arrange si bien de cette réserve qu’on se donne dès sept heures du matin, les jours de communion. Des abbés en surplis roulaient dans l’allée centrale comme de gros ballons blancs. L’abbé Amplepuis voltigeait entre l’autel et le portail. Quelque réclamation de « parent d’élève » l’accrochait enfin au milieu de l’église, le temps de faire prendre en instantané ce sourire de candeur triste, de sincérité nullement naïve qui conduisait, à travers son visage préoccupé et ses dents misérables, tout droit jusqu’à son prudent et simple cœur.

Tout ce qui pouvait se dire de prières était noyé dans des cantiques d’enfants.

Un court répertoire de six ou sept airs faisait le tour de l’année liturgique. Aux fêtes de la Sainte Vierge, quatre-vingts galopins, sur une mélodie curieusement mélancolique et désenchantée, assuraient qu’ils iraient « la voir un jour. Un jour dans la Patri-i-e ». Puis ils se consolaient subitement sur la note finale. Cette mystique langueur confiée à ces gosiers ressemblait à de l’essence de rose versée dans des seaux de fer-blanc.

Mais d’autres airs, plus mâles, revenaient tous les dimanches, précédés de références et d’introductions. « Prenez page 145. Nous voulons Dieu », criait l’abbé.