Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/74

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lettré, une documentation exacte, une lecture prolongée de désirs et l’amère assurance de ne jamais voir ce qu’on aime. Telle quelle, cette semi-indolence excitait comme un roman incomplet.

Une Rome en travertin, couleur rose et miel, un soir doré, plein de cette sérénité qu’à l’âge d’Augustin on nomme « philosophique », des mosaïques sous des trépieds grêles, le Clivus Palatinus et le Cryptoportique, la maison de Livie et la chambre de la Signature, parties d’époques très séparées, se donnaient rendez-vous, on ne savait comment, dans les mêmes rêves.

La riche histoire pendait comme une récompense au bout d’explications littéraires bien faites. Elle se mêlait à une linguistique que le professeur ne manquait jamais de rappeler en classe à cause de son fils, quoiqu’elle passât de loin le niveau des « bûcheurs ». De grands appétits positifs naissaient obscurément des textes et débordaient sur le reste. Mais le maître ne devançait pas l’heure.

Maintes fois, comme ils revenaient tous les deux du lycée dans de noires petites rues ensoleillées, sentant le pain, quelque collègue accompagnait M. Méridier. Il agitait des considérations étroitement professionnelles : le nombre d’heures qu’ils devaient, le tarif des vacations, le statut comparé des certifiés et des agrégés. Il les coupait d’idées générales brusquement vastes, à la fois cassantes et ultra-fluides. M. Méridier les accueillait d’un : « oui, oui » passif et résigné, que son fils connaissait. Penché vers Augustin, le collègue lui demandait plaisamment son avis.

— Oh ! il ne sait pas, disait le père. Mais il sait qu’il ne sait pas.

Ainsi l’enfant pressentait-il que le non-savoir, accepté et circonscrit, fait partie, comme le savoir, des démarches de l’intelligence.

Mêmes développements sans hâte dans les autres régions de son paysage moral.

Les « Martyrs » furent lus vers cette date, pendant les après-midi du dimanche. La phrase des « thermes ornés de