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Page:Malatesta - Anarchy ; Morton - Is it all a dream, 1900.djvu/35

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et en comprennent l’utilité et que les intéressés, ne se faisant aucune illusion sur la protection que peut apporter le gouvernement, pensent eux-mêmes à les faire respecter. Pour une caravane qui traverse les déserts d’Afrique, économiser l’eau est une question de vie ou de mort : l’eau devient, dans ce cas, quelque chose de sacré, et personne ne se permet de la gaspiller. Le secret est nécessaire aux conspirateurs : il est gardé, ou celui qui le viole est frappé d’infamie. Les dettes de jeu ne sont pas garanties par la loi : celui qui ne les paie pas est considéré par les autres joueurs et se considère lui-même comme déshonoré.

Est-ce que par hasard ce serait à cause des gendarmes qu’on ne tue pas plus que ce n’est le cas ? La plus grande partie des communes, en Italie, ne voient les gendarmes que de loin en loin ; des millions d’hommes vont par monts et par vaux, loin de l’œil tutélaire de l’autorité, de sorte qu’on pourrait les attaquer sans courir le moindre risque d’être châtié : ils n’en sont pas pour autant moins en sécurité que ceux qui vivent dans des centres plus surveillés. La statistique montre que le nombre des délits accuse à peine l’effet des mesures de répression alors qu’il se modifie rapidement si les conditions économiques et l’état de l’opinion publique se modifient.

Du reste, les lois qui punissent ne concernent que les faits qui sortent de l’ordinaire, les faits exceptionnels. La vie quotidienne, elle, se déroule hors de la portée du code pénal ; ce qui la régit, presque sans qu’elle en ait conscience, par accord tacite et volontaire de tous, c’est un grand nombre d’us et coutumes, bien plus importants pour la vie sociale que les articles du code pénal et mieux respectés, quoique complètement exempts de toute sanction autre que cette sanction naturelle : le manque d’estime qu’encourent ceux qui violent ces us et coutumes et les conséquences qu’entraîne, pour eux, ce manque d’estime.

Et en cas de contestations, l’arbitrage volontairement accepté, ou la pression de l’opinion publique, ne serait-ce pas là un moyen plus apte à donner raison à celui qui a effectivement raison plutôt qu’une magistrature irresponsable ayant le droit de juger tout et tout le monde, et nécessairement incompétente donc injuste ?

De même que le gouvernement ne sert en général qu’à protéger les classes privilégiées,