Aller au contenu

Page:Malatesta - Anarchy ; Morton - Is it all a dream, 1900.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le sort de l’humanité à une populace ignorante, anémiée par la misère, abrutie par le prêtre, qui peut être aujourd’hui férocement sanguinaire et se fera demain grossièrement berner par un petit malin ou s’écrasera servilement sous la botte du premier militaire qui osera parler en maître ? Ne sera-t-il pas plus prudent de se rapprocher de l’idéal anarchiste en passant par l’étape d’une république démocratique ou socialiste ? Ne faudra-t-il pas un gouvernement composé des meilleurs pour éduquer, pour préparer les générations à leurs destinées futures ?

Si nous avions réussi à faire comprendre à ceux qui nous lisent tout ce que nous avons dit jusque là et à le leur faire accepter, ces objections-là non plus n’auraient aucune raison d’être, mais, quoi qu’il en soit, il est bon d’y répondre, même au risque de nous répéter.

Nous nous trouvons toujours confrontés à ce préjugé : le gouvernement est une force nouvelle, issue on ne sait d’où, qui ajoute par lui-même quelque chose à la somme des forces et des capacités de ceux qui le composent et de ceux qui lui obéissent. Mais c’est tout le contraire ; tout ce qui se fait au sein de l’humanité, ce sont les hommes qui le font ; et le gouvernement, lui, en tant que gouvernement, n’apporte qu’une seule chose qui soit sienne : sa tendance à faire de tout un monopole en faveur d’un certain parti et d’une certaine classe, et à résister à toute initiative qui naît en dehors de sa coterie.

Abolir l’autorité, abolir le gouvernement, cela ne veut pas dire détruire les forces individuelles et collectives qui agissent au sein de l’humanité, ni détruire les influences que les hommes exercent mutuellement les uns sur les autres : cela, ce serait réduire l’humanité à l’état d’une masse d’atomes coupés les uns des autres et inertes, ce qui est impossible et serait, si jamais c’était possible, la destruction de toute société, la mort de l’humanité. Abolir l’autorité, cela veut dire abolir le monopole de la force et de l’influence ; abolir cet état de choses qui fait de la force sociale, autrement dit la force de tous, un instrument de la pensée, de la volonté, des intérêts d’un petit nombre d’individus qui, en utilisant la force de tous, suppriment la liberté de chacun à leur propre avantage et à l’avantage de leurs idées ; cela veut dire détruire un mode d’organisation sociale qui fait que, entre deux révolutions, l’avenir est accaparé au profit de ceux qui ont été les vainqueurs d’un moment.