Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/18

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ordinaire, à celle, si rigoureuse, du bord. Au débarquement, les comptes se règlent d’ordinaire par des coups de poing… quelquefois de sabre : on appelle cela de l’esprit de corps !

L’infanterie de marine, vouée aux voyages et aux expéditions exotiques, est cependant une arme relativement intelligente : elle tient, moins que la ligne ou la cavalerie, casernées dans les villes, au décorum impeccable et abrutissant : polissage des boutons, miroitement du ceinturon, plissage réglementaire de la cravate et de la capote. Elle renferme des tempéraments et des fortes têtes qui, malheureusement, n’appliquent guère leur initiative qu’au brigandage militaire. Les chefs passent parfois bien des choses à ces indisciplinés, parce que, dans les luttes toutes différentes des guerres méthodiques à l’européenne, leur spontanéité en fait de bons tueurs d’hommes.

Les vingt-cinq déportés encagés dans l’entrepont représentaient à bord l’élément le mieux doué au point de vue cérébral. La plupart, l’âge et l’exil aidant, sont devenus de parfaits opportunistes : le secret de l’évolution accomplie sans eux leur a échappé. Il y avait là, cependant, des hommes d’une valeur réelle, en tous cas fort supérieurs aux mannequins galonnés de l’arrière.

Le doyen était Mabille, sexagénaire qui, après avoir conspiré, fait le coup de feu et traîné de prison en prison avec Raspail, Barbès et Blanqui, était tout naturellement prédestiné à la Nouvelle-Calédonie. Dans tout mouvement révolutionnaire, les très jeunes et les vieux sont les meilleurs combattants, les premiers enfiévrés par un enthousiasme qui ne connaît pas d’obstacles, les seconds bronzés par toute une vie de luttes et n’ayant