Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/181

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dont on avait pris le pays et méconnu la liberté ; la guerre n’est-elle pas logiquement l’atrocité même ? Tuant sans pitié et poussant l’ironie cruelle au point d’ouvrir le ventre aux femmes qu’ils avaient violées, pour y déposer le cadavre d’un enfant égorgé par eux, ou bien encore enfonçant lubriquement une bouteille, pointe en avant, dans des matrices sanglantes, les indigènes néo-calédoniens subissaient les influences ataviques et espéraient, à force d’horreurs, dégoûter les Blancs de leurs velléités colonisatrices.

Les plus à plaindre, au milieu de cet égorgement général, — car les représailles ne se firent pas attendre, — étaient les déportés, amenés malgré eux chez un peuple qui poursuivait de sa haine tous les Blancs, — quelles que fussent leurs opinions politiques ou sociales. Un grand nombre, établis aux environs de Bouloupari, tombèrent, non sous les flèches empoisonnées des sauvages, comme le racontèrent des journaux européens, car les Néo-Calédoniens n’ont pas de flèches, mais sous le casse-tête et le tamioc[1].

Quelques jours plus tard, marchant en tête d’une colonne de reconnaissance, le commandant militaire de la colonie, le colonel Gally-Passebosc, était mortellement atteint de deux coups de feu. Il expira comme venait d’arriver en rade de Nouméa le navire qui devait le ramener en France où l’attendait, à quarante-deux ans, le grade de général de brigade. Brave, humain et généreux, cet homme qui fut pleuré de ses soldats, semblait le frère aîné de ceux-ci bien plus que leur chef : il était digne d’exercer une autre profession.

  1. Nom donné à la hachette américaine vendue par les blancs aux indigènes.