Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/245

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autre chose : je dis adieu à Pain, que je ne devais plus revoir.

Ancien sous-secrétaire d’État au ministère des affaires étrangères pendant la Commune, — fonction peu encombrante, — puis évadé de la Nouvelle-Calédonie avec Rochefort, correspondant de journaux pendant la guerre turco-russe, ami d’Osman pacha et défenseur de Plevna, prisonnier des vainqueurs, échappé par miracle à la fusillade, infatigable organisateur de feuilles cramoisies, Olivier Pain était un des derniers grands romantiques. Sans doute son ascendance, — il était fils ou petit-fils d’un général espagnol, — lui avait mis dans le sang quelque chose de ces conquistadores, à la cruauté près cependant, car s’il aimait un peu trop mettre flamberge au vent, il était le cœur sur la main et ne marchait que pour les causes qu’il croyait justes. Son odyssée au Soudan, terminée par une mort déplorable, ne m’a pas surpris ; depuis Plevna, toutes ses idées étaient tournées vers cette terre magique d’Orient. Il avait une imagination de feu, voyait loin et large, pour, souvent, se briser aux petits détails inaperçus. Pain était-il socialiste approfondi ? J’en doute. Révolutionnaire ? Incontestablement et au premier chef.

Je revins à l’Agence Continentale, où, cette fois, je ne trouvai que des occupations intermittentes, dérisoirement rétribuées. Cependant, on m’y faisait bonne figure ; un journal, quotidien s’il vous plaît, la Gazette du Soir, venait d’être mis au monde par l’actif Raqueni : j’y écoulai mon premier roman qui me fut payé en félicitations, monnaie la plus courante chez les Latins.

Écrire ! donner une forme à sa pensée ! Crier bien haut ce qu’on sent, ce qu’on croit vrai, juste, beau ! C’é-