Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/275

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Il faut dire que ce 1er mai inspirait une peur bleue à la bourgeoisie, malgré la défaillance des socialistes autoritaires aussi piteux à ce moment que matamoresques six mois auparavant. Notre condamnation avait été précédée par celle de Michel Zevaco, secrétaire de rédaction de l’Égalité.

Quelques mots sur ce journal et son directeur.

Jules Roques est un curieux spécimen de boulevardier, à la fois amoureux d’art et pratique en affaires. Le premier peut-être, il conçut l’idée de substituer à la vieille réclame, lourde et gauche, une publicité gracieuse, flattant l’œil. Géraudel a eu foi en son habileté, et s’est réveillé millionnaire. Enrichi lui-même, bien que ne thésaurisant pas, Roques chercha à connaître sous toutes ses faces la vie dont jusque-là il avait surtout entrevu les amertumes. Il prodigua les louis sans compter, organisa pour la satisfaction de l’œil des bals sans feuille de vigne, créa un journal hebdomadaire illustré, le Courrier Français, où les meilleurs dessinateurs donnèrent leur coup de crayon ; puis, ces multiples occupations ne lui suffisant pas, il fonda un quotidien, l’Égalité.

Sceptique et amoureux d’impressions nouvelles, absolument étranger au socialisme et cependant assez indépendant d’esprit pour admettre que la société avait besoin d’un nettoyage, Roques ne craignit pas d’appeler à la rédaction de son journal Guesde, Vaillant, Fournière et autres démagogues de haute marque. Comme d’habitude, leur sectarisme éloigna les lecteurs : il fallut réduire les frais et l’emploi de compositrices typographes, détermina le départ des rédacteurs.

C’était le moment de saisir l’Égalité : un quotidien