Page:Malato - La Grande Grève.djvu/102

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t-il en souriant et en leur serrant cordialement la main.

— Monsieur le docteur… commença le cordonnier.

— Citoyen…, fit en même temps le forgeron.

— Parlez, mais pas tous à la fois.

Sur ces mots, Paryn s’assit dans un fauteuil après avoir indiqué des sièges à ses visiteurs et se prépara à entendre la communication.

— Voilà, dit le rémouleur Bussy qui n’avait pas encore ouvert la bouche, les élections municipales s’approchent.

— Après ? fit le docteur, qui sentit quelque peu le sang affluer à ses tempes.

— Nous venons vous demander d’être notre candidat.

— Candidat !

Le docteur Paryn demeura un instant pensif. Non que cette idée d’être candidat lui causât une répugnance insurmontable ou un étonnement profond. Au contraire, porté comme il l’était vers les luttes politiques, il avait déjà entrevu cette éventualité, mais du rêve à la réalisation il y a loin.

Élu, certes, il pouvait l’être. Nul dans Climy n’était aussi populaire que lui. Et il se disait que la force de la vraie République, la république sociale, émancipatrice du peuple travailleur, devait résider dans la commune, cellule de la nation. Quand les administrations municipales seraient partout aux mains des hommes de progrès, la démocratie n’aurait plus rien à craindre des intrigues de la réaction ; les charges pesant sur les miséreux seraient allégées ; les organisations ouvrières s’alimenteraient de nouvelles forces, aujourd’hui pour restreindre, demain pour éliminer la tyrannie du capital.

Oui, mais pour être élu, quel fleuve de boue fallait-il traverser ! Le suffrage universel, salué jadis comme l’arme pacifique et puissante d’émancipation, qu’était-il devenu sous le règne de l’argent ?