Page:Malato - La Grande Grève.djvu/122

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Celui-là était le vrai scélérat, l’être qui, plein d’onction et souriant de mansuétude chrétienne, l’avait envoyé au bagne.

Le prêtre n’eût eu qu’un mot à dire pour faire tomber l’accusation sur laquelle on l’avait condamné. S’il était un être qui sût que Détras n’avait point dynamité la chapelle du bois de Varne et arrêté l’abbé Firot, c’était à coup sûr l’abbé Firot lui-même.

Mais le vicaire s’était bien gardé de dire ce mot. Comment donc ! N’avait-il pas lui-même été un des machinateurs du drame dont lui, Détras, était la victime ?

Le condamné se rappelait ce que son père lui avait maintes fois dit de la haine des prêtres : elle ne pardonne pas. L’abbé Firot s’était vengé de l’insuccès de ses tentatives, des avertissements catégoriques qui lui avaient été signifiés, de la correction que lui avait infligée Panuel. Il demeurait maintenant victorieux, menaçant pour la jeune femme qu’il convoitait et dont il venait d’envoyer le mari au bagne.

— Oh ! celui-là, murmurait Détras, frémissant dans une pensée sinistre.

Certes une grâce, une amnistie pouvaient abréger sa torture, lui rendre même ses droits civils, mais qui lui rendrait les années volées à sa vie de foyer et converties en années de martyre pour lui et pour les siens ?

Sept ans de travaux forcés, cela veut dire quatorze ans de Nouvelle, car après la libération existe le doublage, qui impose à l’homme sorti du bagne l’obligation de séjourner dans la colonie, astreint à la surveillance et à la résidence, un nombre d’années égal à celui qu’il a passé en cours de peine.

Qui lui rendrait justice ? La loi ? Allons donc ! Quelle dérision ! La loi complaisante aux forts, impitoyable aux faibles ; non certes, il n’attendait rien d’elle ! Il pourrait avoir le temps de mourir avant qu’elle touchât à l’abbé Firot et réparât le mal