Page:Malato - La Grande Grève.djvu/19

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C’était la phrase à effet, celle qui empoigne par l’image, le « crescendo » du ton et le geste. Elle s’acheva, c’était inévitable, dans un tempétueux fracas d’applaudissements.

La difficulté était vaincue.

— Prolétaires ! Esclaves du Capital ! continua-t-il, votre vie est celle des bêtes de somme : morne, abrutie, sans repos, sans espoir. Ou plutôt si, il vous reste un espoir : l’espoir que ce monde d’exploitation et d’infamie s’écroulera, écrasant les têtes orgueilleuses qui dépassent les vôtres, têtes de jouisseurs qui insultent à vos souffrances.

La tirade était un peu longue ; néanmoins, l’élan avait été donné : l’impression sympathique persistait. Baladier, regardant Ronnot à la dérobée, le vit tout de même un peu déconcerté : c’était moins ces grandes phrases à métaphores et épithètes qu’une exposition claire des antagonismes économiques qu’attendait le mineur.

Habilement, le conférencier descendit un peu de ces hauteurs où il planait au milieu des fulgurations menaçantes. Il montra, antithèse facile, mais toujours saisissante, le parasite Chamot, oisif, insolent, remuant les millions et vivant dans la splendeur, tandis que ses esclaves, artisans de sa fortune, traînaient au milieu des mortels périls du grisou et des éboulements la plus misérable des existences.

Il montra, cette fois, avec une éloquence réelle, parce que, tout agent provocateur qu’il fût, il ne disait que l’exacte vérité, les multiples forces de l’État : armée, magistrature, clergé, concourant toutes à la défense du capital.

— Quant à ces êtres abjects que l’on nomme mouchards, s’écria-t-il, partout où vous les rencontrerez, supprimez-les !

— Eh mais, il va bien ! murmura Michet les dents serrées, tandis qu’un immense cri de : « Mort aux mouchards ! » répondait à l’orateur.