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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/209

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mateurs réunis dans un restaurant, que les spectateurs réunis dans un concert ou un théâtre, répondit délibérément Bernard. À la mine, nous recevons des ordres et les exécutons ; mais, une fois notre travail terminé, nous allons où bon nous semble et ne connaissons pas de maître, monsieur Moschin.

Un murmure d’assentiment de ses camarades souligna les paroles fermes et calmes du mineur.

Moschin savait que le dompteur ne doit pas reculer devant ses fauves, autrement il est perdu et dévoré, et lui-même se comparait volontiers à un dompteur, assimilant les mineurs à des bêtes féroces n’osant pas rugir, mais impatientes de mordre. D’ailleurs, il était énergique.

— Vous êtes partisan de la liberté, fit-il à Bernard d’un ton narquois. Très bien, vous viendrez demain matin dans mon bureau m’exposer vos théories. Quant à vous autres, j’ai vos noms et vos figures dans la tête : il est inutile de revenir demain travailler. Sur ce, bonsoir mes enfants et réjouissez-vous d’être des hommes libres : cela nourrit.

Il tourna les talons et s’en alla en sifflotant, tandis que, derrière lui, éclatait un murmure d’imprécations.

Moschin avait la décision prompte ; il venait de faire acte d’autorité : le renvoi des quarante mineurs (peut-être reprendrait-il les suppliants) serait un exemple admirable, tandis que le maintien de Bernard exciterait contre celui-ci les suspicions des autres mineurs et détruirait du coup toute son influence.

Machiavel n’eût pas été plus habile.


XV

UN REVENANT


Sur la route de Ranjy à Mersey, un homme de stature assez haute et vigoureuse dont il eût été dif-