qu’est la France, rien n’en impose encore autant à la masse badaude qu’un chiffon de couleur quelconque à la boutonnière, il arbora le ruban de la médaille militaire, cette croix d’honneur des sous-officiers modernes.
Sous cet aspect de vieux sergent, qui donc eût reconnu le forçat no 3205 ? Quel sans patrie se fût permis de manquer de respect à un vétéran dont le seul aspect devait faire jaillir ce cri cher à M. Déroulède : « Vive l’armée ! »
Prudemment, il ne s’était pas informé de Geneviève Détras, mais de Panuel, bien sûr que, par celui-ci, il retrouverait celle-là. Il ne voulait pas, d’ailleurs, aller directement à sa maison et désirait, pour éviter à sa femme une émotion dangereuse, la faire prévenir par son ami.
On peut juger du choc terrible qu’il ressentit lorsque le vieil habitant de Mersey, se faisant l’écho de la calomnie lancée par l’abbé Firot, lui annonça que sa femme, le trahissant pour Panuel, était disparue avec celui-ci, emmenant sa fille.
Il se tint à quatre pour ne pas sauter à la gorge de l’inconscient calomniateur ou lui rompre son bâton sur le crâne.
Non pas qu’il se crût « déshonoré », comme tant de niais qui attribuent à l’honneur conjugal une singulière position topographique. Absent depuis dix ans, disparu, cru mort, de quel droit monstrueusement propriétaire se fût-il permis de condamner Geneviève, si celle-ci, restée seule, sans appui, ayant à nourrir sa fille, et encore au printemps de sa vie, s’était, légalement ou non, unie à un autre, unie à l’ami dévoué des Détras, qui veillerait sur la mère et l’enfant ?
Mais non, il connaissait le cœur de Geneviève et, encore qu’il lui reconnût le droit de disposer d’elle-même, il avait l’inébranlable intuition qu’elle l’attendait toujours.