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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/22

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aristocratique ouvrant à sa famille un double débouché dans le grand monde et dans la politique !

Le baron des Gourdes, d’après ce que lui avait confié incidemment l’évêque de Tondou, semblait réaliser l’idéal du genre. Officier de cavalerie, comme tout gentillâtre qui se respecte, il avait mis le comble à cette respectabilité en démissionnant pour ne pas servir la République. Inutile de dire si les bons pères jésuites, ses premiers éducateurs, s’intéressaient à lui et s’employaient à lui trouver l’héritière redoreuse de blason — des Gourdes ne possédait qu’une fortune modeste — qui lui permît de se lancer dans le monde politique et y servir efficacement la cause de l’autel d’abord, du trône ensuite.

De même que Mlle Julia avait rencontré des prétendants, des Gourdes avait croisé dans sa vie un certain nombre de demoiselles à marier, dont les aïeux avaient, sinon guerroyé aux croisades, du moins servi de valets de chambre à Louis XIV ou Louis XV, ce qui, dans le noble monde, est presque aussi bien porté. Malheureusement ces jeunes personnes n’avaient guère à lui apporter que des dots hors de proportion avec leur naissance.

Conséquemment le jeune baron ne dédaigna pas de tourner ses aristocratiques regards sur les héritières plus cossues du monde bourgeois.

Des Gourdes avait pour professeur un jésuite, le père Carino qui approchait l’évêque de Tondou. Et celui-ci, en général qui tient sous sa main l’état de ses effectifs et de ses ressources, possédait la liste complète des nobles célibataires et des riches héritières de son diocèse. C’est en faisant des mariages qu’on s’assure la domination des familles.

Le père Carino parla donc de des Gourdes à Monseigneur et celui-ci aussitôt songea à la famille Chamot. Il y avait là une jeune personne valant plusieurs millions. C’était l’oiseau rare rêvé par le noble célibataire.