Page:Malato - La Grande Grève.djvu/231

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neuve, ils décidèrent de ne pas se quitter tout de suite.

Détras demeura quatre mois, travaillant avec Delmot, mangeant avec lui et couchant dans sa case. Toutefois, le jeune homme ne pouvait rémunérer sérieusement ses services pour l’excellente raison qu’il ne possédait pas d’argent. Il lui mit dans la main, au moment de la séparation, deux pièces de cinq francs : c’était tout ce qu’il pouvait faire.

Mais il donnait à Détras quelque chose de plus précieux que de l’argent : un papier. Sur une feuille blanche, il avait, non sans effort et de sa plus lisible écriture, tracé les lignes suivantes, dont nous rectifions l’orthographe :

« Je soussigné, Pierre Delmot, colon libre à Yaté, certifie avoir employé pendant quatre mois le nommé Paul Rège, travailleur libre, et n’avoir eu qu’à me louer de ses services et de sa conduite. En foi de quoi, je lui ai délivré le présent certificat.

« Pierre Delmot. »

C’était une pièce d’identité. Sous le nom de Paul Rège et avec la mention « travailleur libre », qui donc reconnaîtrait le forçat no 3205 ?

Puis Détras, véritable trait de génie, s’en fut porter ce certificat au missionnaire en le priant de le contresigner. L’homme de Dieu, intérieurement flatté d’être reconnu comme autorité temporelle, alors que le pape lui-même a perdu ce caractère, apposa à la fois sa signature et le cachet de la mission.

Deux signatures, un cachet ! c’est plus qu’il n’en faut dans un pays français pour se créer une personnalité insoupçonnable.

Alors, Détras eut l’audace de remonter vers le nord suivant à pied le littoral. Ses cheveux et sa barbe, qu’il n’avait point taillés depuis le jour de son évasion, quelques vêtements vieux mais décents que lui