Page:Malato - La Grande Grève.djvu/234

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tres. Une jolie distance pour un homme qui n’entend pas rivaliser avec le capitaine Boyton ! Le naufragé réussit cependant à la franchir, grâce aux écueils à fleur d’eau sur lesquels il pouvait, de temps à autre, reprendre pied et souffler avant de recommencer à nager.

Sauvé des flots et des requins, Détras aborda donc dans la grande île papoue.

Ce fut pour tomber au pouvoir d’une tribu noire, heureusement plus farouche que cruelle, qui se contenta de l’emmener en captivité très avant dans l’intérieur.

Réduit à la condition d’animal domestique, obligé de labourer, pêcher et porter des fardeaux pour ses maîtres, le malheureux demeura captif pendant plusieurs années, guettant inutilement l’occasion de s’évader.

Détail curieux, les naturels ne lui avaient enlevé ni ses vêtements ni la ceinture dans la doublure de laquelle était cousue en bank-notes toute sa fortune patiemment économisée : quarante livres sterling (mille francs).

Détras avait perdu la notion du temps lorsqu’il put enfin fausser compagnie aux Papous. Emportant un arc et des flèches, tant pour sa défense que pour s’approvisionner de gibier, il se dirigea vers la mer.

Sa fuite de Bouraké avait été une promenade, comparée à cette marche dans l’épaisseur des forêts et des marécages où, fréquemment, il s’enlisait jusqu’aux genoux et se sentait sur le point de disparaître à tout jamais.

Cette fuite au hasard qui, parfois, le ramenait, après de longues fatigues, à son point de départ, dura six mois.

Un jour, des colons allemands du littoral virent déboucher de la brousse un homme blanc, maigre et exténué, dont les vêtements torchaient en lambeaux.

Il se traînait plutôt qu’il ne marchait, et ses pieds nus,