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tions plus encore que d’orthographe et de musique. Elle crut avec ferveur à la création du monde en sept jours, aux sermons de l’ânesse de Balaam, à l’opération du Saint-Esprit et à toutes les bourdes abrutissantes enseignées par la sainte Église. En outre, sa nature impressionnable et sensuelle s’extasiait aux pompeuses cérémonies du culte, à toute cette mise en scène de parfums, lumières et cantiques, savamment combinée pour pénétrer et dominer les âmes faibles ou ignorantes.

Aussi, dans le département de Seine-et-Loir comme à la Martinique, était-elle demeurée le jouet des prêtres. C’était chez elle, souvent à son insu et sous le couvert de sa frivolité mondaine, que se nouaient des intrigues de toutes sortes, intrigues amoureuses, intrigues politiques.

Ce soir-là le salon de la belle créole était empli de monde : le gratin réactionnaire de la région. Du côté des hommes, le comte de Mirlont, un de ces gentillâtres désœuvrés au cerveau vide, qui justifient le jugement émis sur la noblesse contemporaine par un écrivain pourtant réactionnaire : « Catin, crotin, crétin. » Ce fin-de-race avait, en effet, toujours limité l’exercice de ses facultés entre le boudoir des mondaines et le turf. Maintenant retiré dans une exiguë propriété qu’il appelait pompeusement ses terres, il attendait lui aussi, à trente-cinq ans, que quelque héritière lui tombât du ciel. Puis, c’était le banquier Hachenin, quinquagénaire gros et poussif au physique, doué au moral d’une singulière activité, le roi de la finance dans Seine-et-Loir, comme Schickler y était le roi de l’industrie ; à côté de lui, le commandant en retraite Estelin, le notaire Durivaux et l’abbé Brenier, formant un groupe. Enfin, des Gourdes reluisant d’élégance, très entouré par l’élément féminin.

Et cet élément féminin, c’était : causant avec la créole, la belle Mme Hachenin, superbe incarnation de cette beauté bourguignonne faite de régula-