Page:Malato - La Grande Grève.djvu/26

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commencement de l’année, j’ai presque vécu en sauvage, à Mersey.

Et s’adressant au jeune homme :

— Sans doute, vous égarez-vous rarement dans cette région.

— C’est seulement la troisième fois que j’y viens, répondit le baron.

La créole expliqua à Chamot qu’elle avait connu des Gourdes à une réception au Brisot, chez Schickler, et l’avait revu à la fête diocésaine de Tondou. Puis elle se retira, laissant les deux hommes converser seul à seul.

Chamot écoutait et observait des Gourdes. Sans embarras, comme sans ostentation, le jeune homme, sortant des banales généralités, donnait un tour sérieux à la conversation, parlait des richesses de la région, de l’extension croissante de l’industrie dans Seine-et-Loir, du développement prodigieux qu’elle y atteindrait sûrement si un régime de sérieuses garanties pour les classes possédantes permettait enfin de se livrer en paix à l’exploitation du sous-sol. Qu’on en finît sérieusement, une bonne fois pour toutes, avec les misérables qui osaient prêcher aux ouvriers la haine du patronat et de la religion, alors la fortune des actionnaires de mines doublerait ou triplerait en quelques années ; mais pour cela, il fallait un gouvernement fort. Chamot approuvait, déjà sympathique à ce jeune homme qui causait affaires, citait des chiffres et, bien différent du comte de Mirlont, pouvait converser d’autre chose que de courses. Et des Gourdes, se sentant analysé, parlait posément, sûrement, en homme connaissant à fond la question, bien décidé à donner de lui une impression aussi favorable que possible.

Cependant à l’autre extrémité du salon, les petits groupes s’étaient fondus en un seul, au centre duquel pérorait, prenant des poses devant les dames, le gentilhomme-sportsman. Et tout d’un coup, éclata ce