Page:Malato - La Grande Grève.djvu/285

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rappelait pas avoir vu, pouvait savoir son nom, l’inconnu ajouta :

— Je ne me trompe pas. J’ai pris votre instantané, il y a quelque chose comme trois mois pour le Réveil de Seine-et-Loir.

Cette phrase fit frissonner Céleste, elle lui rappelait le moment le plus poignant de sa vie.

— Je vous demande pardon d’évoquer un tel souvenir, fit l’homme. J’ai suivi avec beaucoup de peine cette affaire et croyez que si je pouvais vous être de quelque utilité j’en serais sincèrement heureux.

— Ah ! monsieur ! s’écria Céleste en saisissant la main que lui tendait l’inconnu, comme le noyé prêt à disparaître saisit la corde de salut, vous me sauvez !

L’accent de la malheureuse était si poignant que son interlocuteur en fut remué jusqu’au cœur.

— Où donc alliez-vous, pauvre enfant ? demanda-t-il avec une grande douceur.

— Où… je ne sais pas !

Et Céleste lui narra sa longue série de misères depuis son retour à Mersey : sa fuite devant l’apparition brutale du commissaire Touvenin, son entrée au service de Pierre Mayré, la tentative de Jean, sa nouvelle fuite éperdue, au milieu de la nuit, au hasard et, au milieu de tous ces malheurs ininterrompus, l’absence de nouvelles de Galfe, resté l’être aimé pour lequel mille fois elle eût donné sa misérable vie.

L’homme l’écoutait avec une émotion indicible. Mais quand Céleste lui eut raconté qu’elle avait passé la nuit dans un hallier et n’avait pris depuis la veille qu’un petit pain et un bol de lait il l’interrompit pour lui dire :

— Avant tout, il faut vous reposer et reprendre des forces. Venez chez moi, vous y trouverez à manger et pourrez y dormir quelques heures, pendant que je vous chercherai quelque chose dans la ville.

Céleste sentit au ton et au regard de son interlo-