Page:Malato - La Grande Grève.djvu/33

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tre à Geneviève de protester ou de revenir sur sa décision.

La jeune femme n’ayant pas ouvert la bouche, il reprit :

— Je vous parlerai du dehors. Si même, je vous demandais la permission d’entrer, c’était pour qu’on ne me vît pas vous causant ; les opinions de votre mari…

— Qui sont les miennes, interrompit Geneviève d’un ton très net, car elle voulait abréger ce colloque.

L’abbé Firot la regarda fixement. Il sentait en elle une trempe, une volonté. Combien d’autres femmes de mineurs, dans ce pays de misère livré à la tyrannie du prêtre, se fussent défendues timidement en arguant de la volonté de leur mari !

— Eh bien, madame, dit le vicaire, j’aime votre franchise et vous pouvez voir que moi aussi, je suis franc avec vous.

— Où désirez-vous en venir, monsieur l’abbé ?

— À vous mettre en garde contre vous-même et ceux qui vous perdent. Notre religion ordonne de rendre le bien pour le mal, l’affection pour l’injure, d’aimer — et il appuya sur ce mot — qui nous hait.

— Mais nous ne haïssons personne, riposta Geneviève.

Le prêtre eut un sourire indéfinissable.

— Allons, tant mieux, murmura-t-il, vous avez encore de bons sentiments ; Dieu vous en tiendra compte. Mais, croyez-moi, ma chère enfant, arrêtez-vous sur les bords de l’abîme pendant qu’il en est temps encore. Vous ne savez pas quels malheurs vous vous préparez.

Cette prophétie menaçante fit froid au cœur à Geneviève. N’était-ce pas une menace déguisée ? L’incertitude étant la pire des souffrances, elle résolut d’en avoir le cœur net.

— Monsieur l’abbé, dit-elle bravement, les mal-