Page:Malato - La Grande Grève.djvu/348

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

craindre ? Qu’avons-nous à perdre ? Nous ne pouvons être plus mal que nous sommes.

Et il dit au docteur, qui n’entendait pas ce récit pour la première fois, tous les griefs des ouvriers : l’insolence des ingénieurs et des chefs, insultant comme à plaisir leurs subordonnés ; les provocations des misérables embauchés par Moschin, les vols du comptable Troubon, prélevant, à propos de tout et de rien, des retenues sur le salaire déjà si maigre des mineurs ; l’oppression cléricale qui s’exerçait au dehors sur les familles des mineurs.

— Voyez-vous, conclut-il, pour nous débarrasser de tout cela, il nous faut une grande secousse, telle que le pays n’en a pas encore vu, quelque chose comme une grève monstre, car la grève changeant de caractère, cessant d’être la supplication muette et stupide des meurt-de-faim, est destinée à devenir l’arme de combat du prolétariat. Malheureusement, ce ne sera pas encore la grève finale, celle qui, se généralisant partout, dans les ateliers, les champs et les casernes, jettera bas la puissance du capital et supprimera le salariat, ce restant de l’esclavage. Non, les temps ne sont pas encore venus : ils viendront un jour ! Mais ce sera toujours, en attendant l’écroulement du régime capitaliste, une première conquête, celle pour le salarié d’être, pendant son travail, traité en homme et non en bête, et, en dehors de son travail, de penser et agir comme il l’entend, sans être condamné à mourir de faim, parce qu’il manifestera des opinions et que sa famille n’ira pas à l’église. Voilà ce que nous pourrons obtenir par le mouvement que je prévois : — la grande grève — et c’est pour cela que, mineur ou non mineur, je désire rester à Mersey.

— Vous avez raison, dit Paryn. Puis-je vous être utile en quoi que ce soit ?

— Peut-être, répondit Bernard.

Et il expliqua au docteur le projet qui lui était