Page:Malato - La Grande Grève.djvu/407

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Jusqu’à ce moment, la possibilité d’une défaite ne lui était point apparue. Parmi les syndiqués, quelques-uns, pensait-il, pouvaient être hommes à se défendre, mais les autres seraient chassés à grands coups de trique et de soulier dans les côtes. Il avait confiance en Michet.

Et maintenant il apprenait une déroute, il entrevoyait un désastre.

— Ce n’est pas possible ! gronda-t-il. Qu’est-ce que vous me contez là ?

— L’exacte vérité, chef. Tenez, voyez.

Et, en disant ces mots, Plétard enleva son chapeau. Une large blessure apparut derrière la tempe, le cuir chevelu entaillé, les cheveux collés par le sang.

— C’est un coup de gourdin. Un pouce ou deux plus loin, mon affaire était faite.

— Mais les autres ? demanda Moschin, que le malheur particulier de Plétard touchait peu et qui ne songeait qu’au résultat de l’entreprise.

— Les autres ont écopé comme moi. Nous avons été rossés comme jamais on ne l’a été et la moitié des nôtres sont restés sur le carreau.

Ce dernier détail était inexact, le plus grand nombre ayant été faits prisonniers et non assommés, mais Plétard n’avait pu s’en rendre compte, trop heureux de s’être frayé un passage à travers les rangs ennemis.

— Mais Michet ? demanda Moschin.

— Il est prisonnier. Un homme que nous ne connaissons pas s’est précipité, dans la salle du Fier Lapin, derrière nous, comme nous étions en train d’assommer les autres. Il a pris notre chef à la gorge, l’a emporté et alors tout a changé : les syndiqués sont revenus de leur surprise et, comme ils étaient plus nombreux que nous, ils nous ont foutu sur la gueule.

Moschin croyait rêver. Quoi ! un homme avait suffi