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hasard, cet enfant de dix-neuf ans saurait dissimuler ? Ou bien venait-il là machinalement, sans se rendre compte de ce qu’est une association ouvrière ? Il voulut savoir et, un jour, pendant que Galfe travaillait à la mine, il se rendit à sa cabane, muni d’un trousseau de fausses clefs, d’un passe-partout et d’une pince-monseigneur, engins également propres aux cambrioleurs et aux policiers. Il entra, vit la bibliothèque et demeura fixé.

Averti par Michet de la découverte d’un anarchiste parmi les mineurs, Baladier exulta. Il savait que les partis d’avant-garde comptent les meilleurs et parfois les pires éléments, les désintéressés enthousiastes et stoïques, prêts à tout donner pour le triomphe d’une idée, comme aussi les dévoyés se réclamant de cette idée pour en vivre ou couvrir leurs méfaits. Dupe ou complice, Galfe pouvait lui être précieux.

Baladier eut l’adresse non pas d’aller à Galfe, mais d’amener Galfe à lui. Un dimanche, jour où il était sûr que le jeune homme était chez lui, il s’embusqua près de sa cabane muni d’un petit paquet de brochures et tenant un volume à la main. Dès qu’il vit paraître le mineur, il fit un détour et déboucha devant lui, le nez dans son livre ouvert. À six pas, il leva la tête, feignit de l’apercevoir et lui demanda :

— C’est bien la route de Nouton ?

— Oui, répondit Galfe ahuri en reconnaissant le conférencier du bois de Varne.

— Merci, répondit Baladier.

Et il continua son chemin ; mais à ce moment son paquet de brochures mal attaché se défit et les imprimés s’éparpillèrent. Deux ou trois arrivèrent jusqu’à Galfe, qui lut : Dieu et l’État, par Michel Bakounine ; Les Incendiaires, poésie de Vermesch ; il les ramassa avec un frémissement et les tendit non sans un soupir de regret à leur propriétaire, disant :