Page:Malato - La Grande Grève.djvu/431

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se sentant placée entre deux feux, tandis que Moschin, décidé comme s’il eût été le véritable généralissime, disait à Raquet :

— Mon commandant, voyez ! les sommations légales sont faites : il est temps de faire charger.

Irrésolu d’abord, l’officier se décida et lança ce commandement :

— Au pas ! Allez !

Moschin haussa les épaules. C’était au trot et au galop qu’il eût voulu voir les gendarmes s’élancer sur cette masse, y traçant de rouges sillons à grands coups de sabre. L’homme d’autorité, le chef, qui était en lui et qui s’était dirigé jadis du côté de la révolution, paraissait pleinement à cette heure. Comme il eût conduit sans hésitation la charge, lui, Moschin ! Mais ces officiers ! des mazettes ! des poules mouillées !

— Pourvu que l’autre marche ! se dit-il en songeant à Fissard. Hum ! Il a l’air aussi moule que celui-ci. Est-ce qu’il ne devrait pas enlever ses hommes en faisant sonner la charge ?

Mais si la compagnie n’avançait qu’au pas, elle n’en avançait pas moins ; la masse des mineurs, n’ayant plus de retraite que vers les Mésanges et les bois, encombrait encore le plateau, dans une bousculade qui empêchait la fuite du grand nombre.

Fissard avait été contraint de marcher, ne pouvant se dérober aux injonctions de son supérieur. Intérieurement furieux, il faisait avancer ses soldats au pas afin de donner aux grévistes le temps de s’enfuir, mais il s’indignait contre ceux-ci en voyant qu’ils se barraient toute retraite.

Soudain, Détras, s’étant dégagé de la foule, apparut devant la porte de la Ferme nouvelle et l’ouvrit toute grande.

— Ici, mes amis, cria-t-il, vous serez en sûreté.

Un flot de mineurs, de femmes, d’enfants envahit la ferme. Six ou sept cents peut-être. Cet écoule-