Page:Malato - La Grande Grève.djvu/437

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ils se sentaient menacés par la rancune à peine voilée de la Compagnie, c’est-à-dire de des Gourdes.

Celui-ci était furieux, littéralement furieux. Il avait refusé de recevoir les délégués des grévistes, en leur faisant signifier que s’ils revenaient autrement que pour annoncer une entière capitulation, on lâcherait sur eux les chiens de garde. Et il s’agissait bien de molosses à quatre pattes, non des policiers de Moschin !

Bobignon et Pidurier, non moins écumants que des Gourdes, s’étaient efforcés d’empêcher une nouvelle réunion des mineurs, afin de rompre tout lien entre eux et la commission de la grève. Mais ils ne pouvaient empêcher les ouvriers de se rencontrer par groupes soit les uns chez les autres, soit à la campagne, soit même devant le comptoir des marchands de vins. Et par une organisation très simple, dont l’idée était de Bernard, des mineurs allant d’un groupe à l’autre, maintenaient la communion d’idées dans toute cette masse. D’ailleurs, les débitants de Mersey se lassaient du despotisme de la Compagnie et des autorités qui, en leur défendant — et de quel droit ? — de louer leur salle aux grévistes, portaient atteinte aux intérêts sacrés du commerce. Les idées, ces braves gens s’en fussent absolument désintéressés, mais les intérêts !

Et des lettres de protestation avaient été adressées au préfet, lettres anonymes pour la plupart, car les débitants ne se sentaient pas le courage d’entrer en lutte ouverte avec le maire ou le commissaire et moins encore avec une puissance de l’or comme des Gourdes.

Mais comme répondant à un mot d’ordre convenu ou à un sentiment général, ces lettres, d’abord rares, se firent plus nombreuses, les mêmes plaignants se disant qu’il était nécessaire de revenir à la charge.

Le préfet avait fait une courte apparition à Mersey, puis trouvant la localité calme, il était reparti sans