Page:Malato - La Grande Grève.djvu/448

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lier me paraît louche. Évidemment, nous pouvons nous tromper ; jamais nous ne l’avons vu ou entendu comploter avec les gens de la compagnie, mais il y a bien des petits détails propres à faire réfléchir.

— Lesquels ? demanda Toucan.

— À la mine, il travaille à peine. Au syndicat, il a fait deux ou trois propositions bizarres, susceptibles, si on les eût adoptées, d’amener un conflit entre camarades. Sa femme est plus élégamment vêtue que celle des autres mineurs, mais on peut demander ; « D’où vient l’argent ? » Enfin, plusieurs fois, il a été appelé dans le bureau de Moschin, soi-disant pour y recevoir des reproches sur ses idées subversives ; mais comme, malgré cela, il est toujours resté au service de la Compagnie, on peut se demander si ce n’est pas pour autre chose.

— Ajoutez à cela, reprit Bernard, que, lors du meeting sur le plateau de Vertbois, c’est lui qui a crié, au moment où apparaissaient les gendarmes : « Nous sommes trahis ! » À propos de quoi, je lui ai même flanqué mon pied dans le derrière.

— Ah ! le cochon ! Eh bien, si tu lui as botté le derrière, moi je lui casserai la gueule, comme ça, ce sera complet.

— Oui, mais la Compagnie ne va pas rester inactive ; j’ai appris que ses agents embauchaient des sans-travail à Saint-Étienne et à Rive-de-Gier. Sans doute ne tarderont-ils pas à arriver.

Cette déclaration produisit une impression profonde ; les visages devinrent soucieux.

— Oui, murmura Paryn. Ils vont arriver : c’est pour cela que la Compagnie démasque ses batteries et annonce la constitution du syndicat jaune.

— Ah ! les sans-travail ! fit Bernard avec un soupir d’amertume.

Il voyait tristement l’armée immense des sans-travail restée en dehors du prolétariat organisé et fournissant aux exploiteurs d’inépuisables contin-