Lui aussi, comme des Gourdes, était de la conspiration, de cette intrigue immense qui couvrait la France de ses fils mystérieux. Sur les millions de bénéfices nets qu’assurait chaque année au roi du Brisot le travail de ses serfs misérables, l’Église prélevait sa dîme, et cet or servait à alimenter la guerre sourde, dirigée par les généraux du Gésu.
— Encore deux ans de travail, dit le vieil usinier, et nous pourrons donner l’assaut à la République.
Et ces paroles guerrières prononcées par un homme qui semblait un moribond à bout de souffle, avaient quelque chose d’étrangement sinistre.
— En attendant, nous ne sommes pas capables de faire sauter un préfet ! constata des Gourdes avec amertume.
Il exhala sa colère contre Blanchon.
C’était maintenant le baron qui parlait : Schickler, fatigué du grand effort qu’il avait fait, s’était renfoncé dans son mutisme habituel, se bornant à suivre les paroles de son interlocuteur et à les approuver par des signes de tête. Seulement lorsque le baron eut fini de parler, il lui dit :
— Vous savez, vous pourrez prendre livraison des deux cents ouvriers quand vous voudrez.
Prendre livraison ! Ce mot tombé tout naturellement des lèvres de Schickler exprimait son opinion sincère sur les travailleurs. C’était un bétail humain, une marchandise, il lui paraissait tout aussi naturel d’en disposer que de disposer d’un troupeau de moutons ou de sacs de blé.
— En aurez-vous assez de deux cents ? demanda-t-il. Je puis vous en fournir davantage sans désorganiser mes services. Voyez ce qu’il vous faut.
— Merci, répondit des Gourdes. Deux cents suffiront, car il ne s’agit pas, en ce moment, de réaliser des bénéfices, mais simplement de faire réfléchir les grévistes en leur montrant qu’on peut se passer d’eux. La Compagnie est assez forte pour savoir