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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/50

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— Ça, jamais, par exemple ! exclama-t-il. Comment, tu me conseilles de lâcher les camarades !

— Pourquoi a-t-on mis cela chez nous, le même jour où il y a réunion ? Pour moi il y a un piège.

— Tout est possible, mais je ne crois pas.

En répondant ainsi, Albert ne traduisait pas exactement sa pensée, mais il ne voulait point accroître les alarmes de sa femme.

— J’emporterai toutes ces bricoles, dit-il, et si je vois qu’il y ait lieu de se méfier, je ferai un trou dans certain endroit de la forêt pour les y cacher.

Cette réponse rassura quelque peu Geneviève. Cependant lorsque le mineur voulut se débarbouiller comme il le faisait chaque soir, elle l’arrêta.

— Non, fit-elle, mieux vaut que tu y ailles comme cela. S’il arrive quelque chose, on ne te reconnaîtra peut-être pas.

— Comme tu veux, répondit Albert désireux de la calmer tout à fait.

Le dîner fut rapide et presque silencieux, chacun étant absorbé dans ses pensées, tout en cherchant à dissimuler à l’autre son angoisse. La dernière bouchée avalée, Albert se leva pour partir.

— Il est temps, fit-il en regardant le coucou qui marquait huit heures vingt-cinq.

Il fit un seul paquet des imprimés, du revolver et de la boîte de cartouches, les enveloppant d’abord d’un journal, puis d’un bout de vieux torchon pour les garantir de l’humidité s’il se décidait à les enfouir dans la terre. Peut-être, le mystère s’éclaircissant, irait-il les rechercher.

— Au revoir, dit-il à Geneviève.

— Au revoir, fit celle-ci en se jetant dans ses bras et l’embrassant les larmes aux yeux comme s’il n’eût jamais dû revenir.

Le cœur a de ces pressentiments.

Albert s’était gardé de parler à sa femme, déjà suf-