Page:Malato - Philosophie de l'Anarchie, Stock, 1897.djvu/212

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La masse, jadis esclave, aujourd’hui serve, différence de mots qui n’est qu’apparente[1], il faudra encore près de trois siècles pour lui donner l’émancipation… réelle ? non, nominale. À la fin du dix-septième siècle, les paysans sont encore des animaux noirâtres, maigres et velus, déchirant le sol avec leurs mains pour se nourrir de racines[2]. Et, si des pinceaux italiens et flamands multiplient des chefs-d’œuvre, si des philosophes, laissant la scolastique aux moines, créent la science par l’observation, si des écrivains expriment la pensée dans une

  1. En effet, serf vient de servus, qui veut dire esclave, condamné à servir.
  2. L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine et, en effet, ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines… (La Bruyère. — Les Caractères.)