Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

humaine, prêchant la communauté des biens, les anabaptistes ont été, à bien des points de vue, les précurseurs des modernes anarchistes. Luther, qu’ils dépassaient furieusement, s’efforça de les entraver : il n’avait voulu qu’une réforme religieuse et c’était une révolution sociale qui grondait. Si le pape eût consenti à lui tendre la main, nul doute que le moine rebelle aurait renié le passé et conclu la paix avec Rome. « Il y a des moments, écrivait-il, où je me demande à moi-même s’il n’aurait pas mieux valu conserver la papauté avec tous ses abus que de voir ces horreurs et ces révolutions. »

Éternelle palinodie des tribuns de la première heure qui, enflés par le vent du succès, oublient bientôt le peuple au nom duquel ils parlaient et n’ont plus d’efforts que pour enrayer la révolution à laquelle ils ont ouvert la voie ! Palinodie qui sera celle de Mirabeau ! Luther, après l’écrasement des premiers anabaptistes, à Frankenhausen, tourna de plus en plus à droite, se faisant tout petit pour trouver grâce devant la réaction furieuse. « Ils sont sortis de nous, s’écriait-il lâchement, mais ils n’étaient pas des nôtres ; ce n’est pas la faute du froment si l’ivraie en sort. » Son disciple, Mélanchton, que la peur rendait féroce, surenchérissait et demandait des supplices : « Pas de ménagements pour ces impies, ces anarchistes ! il faut absolument les extirper par le glaive, le feu et l’eau. »

Cette histoire est de toutes les époques ; c’est celle des consuls romains foulant la plèbe après avoir chassé les rois, de Robespierre envoyant les Hébertistes à la guillotine, des bourgeois démocrates mi-