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Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/214

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Aussi, jamais les antagonismes sociaux n’ont-ils été aussi nettement accusés. Depuis un siècle, le prolétariat bouillonne et, s’éveillant peu à peu à la conscience, à la vie, essaie ses forces dans des escarmouches sanglantes, prélude d’une bataille sans pareille.

Depuis les Hébertistes envoyés à la guillotine, enragés qui voulaient que la Révolution eût pour le prolétaire des résultats positifs, jusqu’aux anarchistes suppliciés à Chicago, quel interminable défilé de victimes !

Ce sont Romme, Bourbotte, Goujon, Duroy, Duquesnay, Soubrany, les derniers députés montagnards, se trouant la poitrine du même couteau devant le tribunal qui les a condamnés à mort pour avoir voté au peuple insurgé de prairial « du pain et la Constitution de 93. »

Ce sont Babeuf et Darthé, voués au même sort pour avoir rêvé le « bonheur commun », et qui, s’étant mal poignardés, gravissent à moitié cadavres les degrés de l’échafaud. Ce sont leurs amis, les conspirateurs de Grenelle, livrés au peloton d’exécution.

Ce sont les canuts lyonnais de 1831 qui, lassés d’un salaire de dix-huit sous pour dix-huit heures de travail, — un sou par heure ! — revendiquent, sous les plis du drapeau noir, le droit de « vivre en travaillant ou mourir en combattant » et, vainqueurs d’abord, puis amusés, mystifiés, trahis par ceux qu’ils ont épargnés, finalement vaincus grâce à leur crédule générosité, jonchent de leurs cadavres le champ de bataille de la Croix-Rousse. Deux ans et demi plus tard, alors que l’Europe tout entière tressaillira