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Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/235

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un cierge creux, bourré de dynamite, venait de faire explosion. Les autorités impuissantes, la population troublée se murmuraient le nom collectif sous lequel se dissimulaient les mystérieux exécuteurs « la Mano negra » (la main noire).

Qu’étaient ces hommes ? Des anarchistes, déclarait le gouvernement. — De vulgaires assassins, ripostèrent les anarchistes membres de la Fédération, nous sommes organisés légalement (« légalement », quel mot !), nos statuts sont connus, nous n’opérons qu’au grand jour.

Dans cette querelle, c’était le gouvernement qui disait vrai.

Fille des sections adhérentes à l’ancienne Internationale, la Fédération espagnole, groupant les associations ouvrières en un vaste réseau, comptait dès septembre 1882, cinquante mille membres anarchistes-collectivistes. Ceux-ci, plus habiles, plus tenaces que leurs compagnons de France, avaient su pénétrer dans les syndicats qui sont l’âme même de la masse ouvrière. Mais aussi leur esprit s’était rétréci dans les détails d’une organisation par trop faite à l’avance. Ils n’avaient pas su garder un juste-milieu entre l’enthousiasme irréfléchi pour des idées abstraites et le tâtillonnement des systématiques, entre une autonomie mal entendue allant jusqu’à l’isolement et la discipline autoritaire : par bien des côtés, ils reproduisaient les possibilistes français. Les attentats de la Mano negra, survenant au milieu du développement de leur parti, leur causèrent une irritation profonde ; surveillés de près par les autorités et craignant des poursuites qui eussent pu