Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/275

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proie offerte à l’anémie, à la chlorose, à la phtisie, condamnée par l’infériorité du salaire à chercher un supplément de ressources dans la prostitution, comment pourrait-elle enfanter et faire croître des rejetons vigoureux, sains de corps, lucides d’esprit ? « Psitt ! monsieur ! écoutez donc !… », murmure la malheureuse, pourrie jusqu’aux os, qui s’accroche à la manche du passant attardé : à deux pas, l’homme de police veille, gardien placide de l’ordre social. « Mourir pour la patrie ! » braille entre deux hoquets le conscrit enrubanné qui ira finir la nuit au bordel : peut-être, après tout, est-il content de quitter cet enfer, l’usine, pour ce bagne, la caserne. « Je suis le fils de mes œuvres », déclare à des admirateurs, le bourgeois ventru qui s’est amassé des rentes en vendant des rondelles de drap pour des truffes et du vitriol pour du vinaigre — « Quel beau mariage ! » soupire amoureusement un noble décavé en arrêt devant une vieille demoiselle aux dents jaunes, asthmatique et millionnaire… et des espérances ! car le père va bientôt mourir. Et les échines se courbent, les cerveaux se dépriment, le corps se gangrène, le sens moral s’oblitère, l’esprit meurt. Malthus devient le prophète du dieu Capital. Encore dix ans de ce beau régime, et la race étiolée, névrosée, exsangue, alcoolique, syphilitique, serait irrévocablement perdue : la terrible commotion qu’un avenir prochain réserve, pourra seule, éliminant les éléments morbides, les empêcher de tuer le corps social tout entier.

Au physique comme au moral, l’humanité marche à une transformation, une foule de nouveaux élé-