le plaisir que l’on sent dans les choses sensibles ne peut être dans ces choses comme dans leurs véritables causes ni d’une autre manière, et par conséquent que les biens sensibles ne peuvent être des biens à l’égard de notre âme, et le reste que nous avons expliqué.
Les stoïciens, persuadés au contraire que les plaisirs sensibles n’étaient que dans le corps et pour le corps, et que l’âme devait avoir son bien particulier, mettaient le bonheur dans la vertu. Or, voici la source de leurs erreurs.
C’est qu’ils croyaient que le plaisir et la douleur sensibles n’étaient point dans l’âme, mais seulement dans le corps ; et ce faux jugement leur servait ensuite de principe pour d’autres fausses conclusions, comme : que la douleur n’est point un mal, ni le plaisir un bien ; que les plaisirs des sens ne sont point bons en eux-mêmes ; qu’ils sont communs aux hommes et aux bêtes, etc. Cependant il est facile de voir que, quoique les épicuriens et les stoïciens aient eu tort en bien des choses, ils ont eu raison en quelques-unes. Car le bonheur des bienheureux ne consiste que dans une vertu accomplie, c’est-à-dire dans la connaissance et l’amour de Dieu, et dans un plaisir très-doux qui les accompagne sans cesse.
Retenons donc bien que les objets extérieurs ne renferment rien d’agréable ni de fâcheux, qu’ils ne sont point les causes de nos plaisirs, que nous n'avons point de sujet de les craindre ni de les aimer ; mais qu’il n’y a que Dieu qu’il faille craindre et qu’il faille aimer, comme il n’y a que lui qui soit assez puissant pour nous punir et pour nous récompenser, pour nous faire sentir du plaisir et de la douleur ; enfin que ce n’est qu’en Dieu et que de Dieu que nous devons espérer les plaisirs, pour lesquels nous avons une inclination si forte, si naturelle et si juste.
Nos sens ne nous trompent pas seulement à l’égard de leurs objets, comme de la lumière, des couleurs, et des autres qualités sensibles ; ils nous séduisent même touchant les objets qui ne sont point de leur ressort, en nous empêchant de les considérer avec assez d’attention pour en porter un jugement solide. C’est ce qui mérite bien d’être expliqué.
I. L’attention et l’application de l’esprit aux idées claires et distinctes que nous avons des objets est la chose du monde la plus