Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/149

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du cerveau de la mère avec celui de son enfant ferait quelquefois mourir des fœtus et engendrer des monstres à cause du dérèglement de l’invagination de la mère, cependant cette communication est si admirable et si nécessaire par les raisons que je viens de dire, et pour plusieurs autres que je pourrais encore ajouter, que cette connaissance que Dieu a eue de ces inconvénients ne lui a pas dû empêcher d’exécuter son dessein. On peut dire en un sens que Dieu n’a pas eu dessein de faire des monstres, car il me paraît évident que si Dieu ne faisait qu’un animal il ne le ferait jamais monstrueux. Mais ayant eu dessein de produire un ouvrage admirable par les voies les plus simples et de lier toutes ses créatures les unes avec les autres, il a prévu certains effets qui suivraient nécessairement de l’ordre et de la nature des choses, et cela ne l’a pas détourné de son dessein. Car enfin, quoiqu’un monstre tout seul soit un ouvrage imparfait ; toutefois lorsqu’il est joint avec le reste des créatures, il ne rend point le monde imparfait ou indigne de la sagesse du Créateur.

Nous avons suffisamment expliqué ce que l’imagination d’une mère peut faire sur le corps de son enfant ; examinons présentement le pouvoir qu’elle a sur son esprit et tâchons ainsi de découvrir les premiers dérèglements de l’esprit et de la volonté des hommes dans leur origine, car c’est là notre principal dessein.

IV. Il est certain que les traces du cerveau sont accompagnées des sentiments et des idées de l’âme, et que les émotions des esprits animaux ne se font point dans le corps qu’il n’y ait dans l’âme des mouvements qui leur répondent ; en un mot, il est certain que toutes les passions et tous les sentiments corporels sont accompagnés de véritables sentiments et de véritables passions de l’âme. Or, selon notre première supposition, les mères communiquent à leurs enfants les traces de leur cerveau, et ensuite le mouvement de leurs esprits animaux. Donc elles font naître dans l’esprit de leurs enfants les mêmes passions et les mêmes sentiments dont elles sont touchées, et par conséquent elles leur corrompent le cœur et la raison en plusieurs manières.

S’il se trouve tant d’enfants qui portent sur leur visage des marques ou des traces de l’idée qui a frappé leur mère, quoique les fibres de la peau fassent beaucoup plus de résistance au cours des esprits que les parties molles du cerveau, et que les esprits soient beaucoup plus agités dans le cerveau que vers la peau, on ne peut pas raisonnablement douter que les esprits animaux de la mère ne produisent dans le cerveau de leurs enfants beaucoup de traces de leurs émotions déréglées. Or les grandes traces du cerveau et les