Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/282

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vent toutes leurs idées, et que c’est par son amour qu’ils sont agités de tous leurs mouvements réglés ; et parce que sa puissance et son amour ne sont que lui, croyons avec saint Paul qu’il n’est pas loin de chacun de nous, et que c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être. Non longe est ab uniquoque nostrum ; in ipso enim vívímus, movemur et sumus[1].’


CHAPITRE VII.


I. Quatre différentes manières de voir les choses. — II. Comment on connait Dieu. — III. Comment on connaît les corps. — IV. Comment on connaît son âme. — V. Comment ou connaît les âmes des autres hommes et les purs esprits.


I. Afin d’abréger et d’éclaircir le sentiment que je viens d’établir touchant la manière dont l’esprit aperçoit tous les différents objets de ses connaissances, il est nécessaire que je distingue en lui quatre manières de connaître.

La première est de connaître les choses par elles-mêmes ;

La seconde, de les connaître par leurs idées, c’est-à-dire, comme je l’entends ici, par quelque chose qui soit différent d’elles ;

La troisième, de les connaître par conscience, ou par sentiment intérieur ;

La quatrième, de les connaître par conjecture.

On connaît les choses par elles-mêmes et sans idées, lorsqu’elles sont intelligibles par elles-mêmes, c’est-à-dire lorsqu’elles peuvent agir sur l’esprit, et par là se découvrir à lui. Car l’entendement est une faculté de l’âme purement passive, et l’activité ne se trouve que dans la volonté. Ses désirs mêmes ne sont point les causes véritables des idées, elles ne sont que les causes occasionnelles ou naturelles de leur présence, en conséquence des lois générales de l’union de notre âme avec la raison universelle, ainsi que je l’expliquerai ailleurs. On connaît les choses par leurs idées lorsqu’elles ne sont point intelligibles par elles-mêmes, soit parce qu’elles sont corporelles, soit parce qu’elles ne peuvent affecter l’esprit ou se découvrir à lui. On connait par conscience toutes les choses qui ne sont point distinguées de soi. Enfin on connaît par conjecture les choses qui sont différentes de soi, et de celles que l’on connaît en elles-mêmes et par des idées, comme lorsqu’on pense que certaines choses sont semblables à quelques autres que l’ou connaît.

II. Il n’y a que Dieu que l’on connaisse par lui-même ; car encore qu’il y ait d’autres êtres spirituels que lui et qui semblent être intelligibles par leur nature, il n’y a que lui seul qui puisse agir

  1. 1. Act. Apost., c. 17, 28.