Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/32

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comme nous l’avons déjà dit, qu’il n’y a plus dans ces choses aucun rapport qu’il ait fallu considérer que l’entendement ne l’ait aperçu. De sorte qu’il est comme nécessaire que la volonté cesse de s’agiter et de se fatiguer inutilement, et qu’elle acquiesce avec une pleine assurance qu’elle ne s’est pas trompée, puisqu’il n’y a plus rien vers quoi elle puisse tourner son entendement.

Il faut principalement remarquer que dans l’état où nous sommes, nous ne connaissons les choses qu’imparfaitement, et que par conséquent, il est absolument nécessaire que nous ayons cette liberté d’indifférence par laquelle nous pouvons nous empêcher de consentir.

Pour en reconnaître la nécessité, il faut considérer que nous sommes portés par nos inclinations naturelles vers la vérité et vers la bonté ; de sorte que la volonté ne se portant qu’aux choses dont l’esprit a quelque connaissance, il faut qu’elle se porte à ce qui a l’apparence de la vérité et de la bonté. Mais parce que tout ce qui a l’apparence de la vérité et de la bonté, n’est pas toujours tel qu’il paraît ; il est visible que si la volonté n’était pas libre, et si elle se portait infailliblement et nécessairement à tout ce qui a ces apparences de bonté et de vérité, elle se tromperait presque toujours. D’où on pourrait conclure que l’auteur de son être serait aussi l’auteur de ses égarements et de ses erreurs.

III. La liberté nous est donc donnée de Dieu afin que nous nous empêchions de tomber dans l’erreur, et dans tous les maux qui suivent de nos erreurs, en ne nous reposant jamais pleinement dans les vraisemblances. mais seulement dans la vérité, c’est-à-dire en ne cessant jamais d’appliquer l’esprit, et de lui commander qu’il examine jusqu’à ce qu’il ait éclairci, et développé tout ce qu’il y a à examiner. Car la vérité ne se trouve presque jamais qu’avec l’évidence, et l’évidence ne consiste que dans la vue claire et distincte de toutes les parties, et de tous les rapports de l’objet, qui sont nécessaires pour porter un jugement assuré.

L’usage donc que nous devons faire de notre liberté, c’est de nous en servir autant que nous le pouvons ; c’est-à-dire de ne consentir jamais à quoi que ce soit, jusqu’à ce que nous y soyons comme forcés par des reproches intérieurs de notre raison.

C’est se faire esclave contre la volonté de Dieu que de se soumettre aux fausses apparences de la vérité ; mais c’est obéir à la voix de la vérité éternelle, qui nous parle intérieurement, que de nous soumettre de bonne foi à ces reproches secrets de notre raison qui accompagnent le refus que l’on fait de se rendre à l’évidence. Voici donc deux règles établies sur ce que je riens de dire, lesquelles