Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/332

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éloge. On ne dira plus que ses principes sont inutiles, puisqu’ils auront enfin servi à prouver une vérité ; mais il n’y a pas lieu de l’espérer. Il y a déjà long-temps qu’on en a fait le défi, et M. Descartes entre autres dans ses Méditations métaphysiques, il y a près de quarante ans, avec promesse même de démontrer la fausseté de cette vérité prétendue. Et il y a grande apparence que personne ne se hasardera jamais de faire ce que les plus grands ennemis de M. Descartes et les plus zélés défenseurs de la philosophie d’Aristote n’ont point encore osé entreprendre.

Qu’il soit donc permis après cela de dire que dest aveuglement, bassesse d’esprit, stupidité, que de se rendre ainsi à l’autorité d’Aristote, de Platon, ou de quelque autre philosophe que ce soit ; que l’on perd son temps à les lire quand on n’a point d’autre dessein que d’en retenir les opinions, et qu’on le fait perdre à ceux à qui on les apprend de cette sorte. Qu’il soit permis de dire avec saint Augustin que c’est être sottement curieux que d’envoyer son fils au collège afin qu’il y apprenne les sentiments de son maître ; que les philosophes ne peuvent point nous instruire par leur autorité, et que s’ils le prétendent ils sont injustes ; que c’est une espèce de folie et d’impiété que de jurer solennellement leur défense, et enfin que c’est tenir injustement la vérité captive que de s’opposer par intérèt aux opinions nouvelles de philosophie qui peuvent être vraies, pour conserver celles que l’on sait assez être fausses ou inutiles[1].


CHAPITRE IV.
Continuation du même sujet. — I. Explication de la seconde règle de la curiosité. — II. Explication de la troisième.


I. La seconde règle que l’on doit observer, c’est que la nouveauté ne doit jamais nous servir de raison pour croire que les choses sont véritables. Nous avons déjà dit plusieurs fois que les hommes ne doivent pas se reposer dans l’erreur et dans les faux biens dont ils jouissent ; qu’il est juste qu’ils cherchent l’évidence de la vérité et le vrai bien qu’ils ne possèdent pas, et par conséquent qu’ils se portent aux choses qui leur sont nouvelles et extraordinaires ; mais ils ne doivent pas pour cela toujours s’y attacher ni croire, par légèreté d’esprit, que les opinions nouvelles sont vraies à cause qu’elles sont nouvelles, et que des biens sont véritables parce qu’ils n’en ont point encore joui. La nouveauté les doit seulement pousser à examiner avec soin les choses nouvelles ; ils ne les doivent pas

  1. Aug. De magistro.