Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/344

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doit pas croire toutes les fables qu’il a ramassées dans ce livre contre notre religion, l’on ne doit pas aussi croire sur sa parole les accusations atroces et injurieuses qu’il a inventées contre son ennemi.

Il ne faut donc pas que des hommes raisonnables se laissent persuader que M. Descartes est un homme dangereux, parce qu’ils l’ont lu dans quelque livre, ou bien parce qu’ils l’ont ouï dire à quelques personnes dont ils respectent la piété. Il n’est pas permis de croire les hommes sur leur parole lorsqu’ils accusent les autres des plus grands crimes. Ce n’est pas une preuve suffisante pour croire une chose que de l’entendre dire par un homme qui parle avec zèle et avec gravité ; car enfin ne peut-on jamais dire des faussetés et des sottises de la même manière qu’on dit de bonnes choses, principalement si on s’en est laissé persuader par simplicité et par faiblesse ?

Il est facile de s’instruire de la vérité ou de la fausseté des accusations que l’on forme contre M. Descartes ; ses écrits sont faciles à trouver et fort aisés à comprendre lorsqu’on est capable d’attention. Qu’on lise donc ses ouvrages ; afin que l’on puisse avoir d’autres preuves contre lui qu’un simple ouï-dire ; et j’espère qu’après qu’on les aura lus et qu’on les aura bien médités, on ne l’accusera plus d’athéisme, et que l’on aura au contraire tout le respect qu’on doit avoir pour un homme qui a démontré d’une manière très-simple et très-évidente, non-seulement l’existence d’un Dieu et l’immortalité de l’âme, mais aussi une infinité d’autres vérités qui avaient été inconnues jusqu’à son temps.


CHAPITRE VII.
Du désir de la science, et des jugements des faux savants.


L’esprit de l’homme a sans doute fort peu de capacité et d’étendue, et cependant il n’y a rien qu’il ne souhaite de savoir ; toutes les sciences humaines ne peuvent contenter ses désirs, et sa capacité est si étroite qu’il ne peut comprendre parfaitement une seule science particulière. Il est continuellement agité, et il désire toujours de savoir, soit parce qu’il espère trouver ce qu’il cherche, comme nous avons dit dans les chapitres précédents, soit parce qu’il se persuade que son âme et son esprit s’agrandissent par la vaine possession de quelques connaissances extraordinaires. Le désir déréglé de son bonheur et de sa grandeur fait qu’il étudie toutes les sciences, espérant trouver son bonheur dans les sciences