Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/372

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rien de plus simple, quoiqu’elle comprenne tout ce qui est et tout ce qui peut être. Or cette idée simple et naturelle de l’être ou de l’infini renferme l’existence nécessaire ; car il est évident que l’être (je ne dis pas un tel être) à son existence par lui-même ; et que l’être ne peut n’être pas actuellement, étant impossible et contradictoire que le véritable être soit sans existence. Il se peut faire que les corps ne soient pas, parce que les corps sont de tels êtres qui participent de l’être et qui en dépendent. Mais l’être sans restriction est nécessaire ; il est indépendant ; il ne tient ce qu’il est que de lui-même : tout ce qui est vient de lui. S’il y a quelque chose, il est, puisque tout ce qui est vient de lui ; mais quand il n’y aurait aucune chose en particulier, il serait, parce qu’il est par lui-même, et qu’on ne peut le concevoir clairement comme n’étant point ; si ce n’est qu’on se le représente comme un être en particulier ou comme un tel être, et que l’on considère ainsi toute autre idée que la sienne. Car ceux qui ne voient pas que Dieu soit, ordinairement ils ne considèrent point l’être, mais un tel être, et par conséquent un être qui peut être ou n’être pas.

Cependant afin que l’on puisse comprendre encore plus distinctement cette preuve de M. Descartes de l’existence de Dieu, et répondre plus clairement à quelques instances que l’on pourrait y faire ; voici, ce me semble, ce qu’il est nécessaire d’y ajouter. Il faut se souvenir que lorsqu’on voit une créature on ne la voit point en elle-même ni par elle-même ; car on ne la voit, comme on l’a prouvé dans le troisième livre, que par la vue de certaines perfections qui sont en Dieu, lesquelles la représentent. Ainsi on peut voir l’essence de cette créature sans en voir l’existence, son idée sans elle ; on peut voir en Dieu ce qui la représente sans qu’elle existe. C’est uniquement à cause de cela que l’existence nécessaire n’est point renfermée dans l’idée qui la représente, n’étant point nécessaire qu’elle soit actuellement, afin qu’on la voie, si ce n’est qu’on prétende que les objets créés soient visibles immédiatement, intelligibles par eux-mêmes, capables d’éclairer, d’affecter, de modifier des intelligences. Mais il n’en est pas de même de l’être infiniment parfait ; on ne le peut voir que dans lui-même ; car il n’y a rien de fini qui puisse représenter l’infini. L’on ne peut donc voir Dieu qu’il n’existe ; on ne peut voir l’essence d’un être infiniment parfait sans en voir l’existence ; on ne le peut voir simplement comme un être possible ; rien ne le comprend ; rien ne le peut représenter. Si donc on y pense, il faut qu’il soit.

Ce raisonnement me paraît dans la dernière évidence. Cependant il y a des gens qui soutiennent cette proposition, que le fini