Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/413

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des esprits sont la quatrième chose qui se trouve dans chacune de nos passions ; et ils produisent la cinquième, qui est l’émotion sensible de l’àme.

Dans l’instant que les esprits animaux sont poussés du cerveau dans le reste du corps pour y produire les mouvements propres à entretenir la passion, l’âme est poussée vers le bien qu’elle aperçoit ; et cela d’autant plus fortement que les esprits sortent du cerveau avec plus de force, parce que c’est le même ébranlement du cerveau qui agite l’âme et les esprits animaux.

Le mouvement de l’âme vers le bien est d’autant plus grand que la vue du bien est plus sensible ; et le mouvement des esprits qui sortent du cerveau pour se répandre dans le reste du corps est d’autant plus violent que l'ébranlement des fibres du cerveau, causé par l’impression de l’objet ou l’imagination, est plus fort.

Ainsi, ce même ébranlement du cerveau rendant la vue du bien plus sensible, il est nécessaire que l’émotion de l’âme dans les passions augmente avec la même proportion que le mouvement des esprits.

Ces émotions de l’âme ne sont pas différentes de celles qui suivent immédiatement de la vue intellectuelle du bien, desquelles nous avons parlé ; elles sont seulement plus fortes et plus vives, à cause de l’union de l’âme et du corps, et que cette vue qui les produit est sensible.

La sixième chose qui se rencontre est le sentiment de la passion ; sentiment d’amour, d’aversion, de désir, de joie, de tristesse. Ce sentiment n’est point différent de celui dont on a déjà parlé ; il est seulement plus vif, parce que le corps y a beaucoup de part. Mais il est toujours suivi d’un certain sentiment de douceur qui nous rend toutes nos passions agréables ; et c’est la dernière chose qui se trouve dans chacune de nos passions, comme nous avons déjà dit.

La cause de ce dernier sentiment est telle. A la vue de l’objet de la passion ou de quelque circonstance nouvelle, une partie des esprits animaux sont poussés de la tête vers les parties extérieures du corps, pour le mettre dans la contenance que demande la passion ; et quelques autres esprits descendent avec force dans le cœur, les poumons et les viscères pour en tirer les secours nécessaires, ce que nous avons déjà assez expliqué. Or, il n’arrive jamais que le corps soit dans l’état où il doit être, que l’âme n’en reçoive beaucoup de satisfaction ; et il n’arrive jamais que le corps soit dans un état contraire à son bien et à sa conservation que l’âme ne souffre beaucoup de peine. Ainsi, lorsque nous suivons