Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/499

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est à la distance du premier d’avec le même soutien, il sera facile de trouver, par la géométrie, quelle doit être la distance du poids de trois livres afin que tout demeure en équilibre, en trouvant, selon la douzième proposition du sixième livre d’Euclide, une quatrième ligne proportionnelle qui sera de quatre pieds. De sorte que, sachant seulement le principe fondamental des mécaniques, on peut découvrir avec évidence toutes les vérités qui en dépendent en appliquant la géométrie à la mécanique, c’est-à-dire en exprimant sensiblement par des lignes toutes les choses que l’on considère dans les mécaniques.

Les lignes et les figures de géométrie sont donc très-propres pour représenter à l’imagination les rapports qui sont entre les grandeurs ou entre les choses qui diffèrent du plus et du moins. comme les espaces. les temps, les poids, etc., tant à cause que ce sont des objets très-simples qu’a cause qu’on les imagine avec beaucoup de facilité. On pourrait même dire, à l’avantage de la géométrie, que les lignes peuvent représenter à l’imagination plus de choses que l’esprit n’en peut connaître, puisque les ligues peuvent exprimer les rapports des grandeurs incommensurables, c’est-à-dire des grandeurs dont on ne peut connaître les rapports, à cause quelles n’ont aucune mesure par laquelle on en puisse faire la comparaison. Mais cet avantage n’est pas fort considérable pour la recherche de la vérité, puisque ces expressions sensibles des grandeurs incommensurables ne découvrent point distinctement à l’esprit leur véritable grandeur.

La géométrie est donc très-utile pour rendre l’esprit attentif aux choses dont on veut découvrir les rapports ; mais il faut avouer qu’elle nous est quelquefois occasion d’erreur, parce que nous nous occupons si fort des démonstrations évidentes et agréables que cette science nous fournit, que nous ne considérons pas assez la nature. C’est principalement pour cette raison que toutes les machines qu’on invente ne réussissent pas, que toutes les compositions de musique ou les proportions des consonnances sont le mieux observées ne sont pas les plus agréables, et que les supputations les plus exactes dans l’astronomie ne prédisent quelquefois pas mieux la grandeur et le temps des éclipses. La nature n’est point abstraite : les leviers et les roues des mécaniques ne sont pas des lignes et des cercles mathématiques ; nos goûts pour les airs de musique ne sont pas toujours les mêmes dans tous les hommes, ni dans les mêmes hommes en différents temps ; ils changent selon les différentes émotions des esprits, de sorte qu’il n’y a rien de si bizarre. Enfin, pour ce qui regarde l’astronomie. il n’y a point